The Oboe’s American Dream

Faire une anche de hautbois américain : histoire


Alors que la croissance économique semble florissante tout particulièrement aux Etats-Unis en ce début d’année 2018, ce grand pays semble vouloir pourtant contourner les règles basiques du capitalisme et du libre échange qu’il a pourtant lui même édictées pour se replier avec une tendance protectionniste.

Pourtant, d’un point de vue musical, il y a fort longtemps que les Etats-Unis ont observé ce protectionnisme pour jouer sur les mots.

Dans le domaine du hautbois, de nombreuses « Ecoles » ont fleuri dans les siècles passés, ayant à coeur de transmettre une sonorité, une technique, un esprit. C’est ainsi qu’un français ne sonnait pas comme un allemand, ne sonnant pas lui même comme un tchèque ou un anglais. Je pourrais m’amuser à dire que les sonorités de hautbois devaient varier avec la langue du pays !

Pourtant les musiciens de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle ne s’engageaient peut-être pas de manière consciente dans cette conception étroite et limitative « d’Ecole ». De plus il a toujours existé –et c’est tant mieux– des artistes ayant une personnalité forte pour ne pas dire originale ne les faisant ressembler à nul autre musicien.

Pourtant, c’est incontestable des différences existaient. Notamment entre l’Europe et les Etats-Unis.

Après la Guerre de Succession et la « Reconstruction » qui se termine vers 1877, les Etats-Unis connaissent une période faste économiquement. L’industrialisation rayonne, la prospérité également, c’est la Gilded Age, la « Période dorée ». Musicalement de grands orchestres symphoniques naissent et se développent comme celui de Boston en 1881 par exemple. Ce sera un immense appel d’air pour des musiciens venant de très loin.

Souvent, en fonction des instruments, on trouve des français, des allemands et même des russes ! Les chefs eux aussi étaient étrangers. Que l’on se souvienne de Léopold Stokowski ou d’Arturo Toscanini. Les Etats-Unis ont été une terre d’accueil pour les musiciens. Rien qu’à Boston, Pierre Monteux, Serge Koussevitzky ou Charles Munch ont dirigé l’orchestre.

Pourtant la mentalité n’était pas semble-t-il de transposer ce qu’on l’on faisait dans son pays natal mais bel et bien de forger un orchestre avec un nouveau souffle, un nouvel esprit. Musicalement, le Melting Pot à fonctionné là au moins.

En ce qui concerne le hautbois, les français étaient en tête : Georges Longy, Désiré Lenom, Fernand Gillet, Albert Andraud, Alfred Barthel, Alexandre Duvoir, Jean Devergie, Louis speyer, Pierre Mathieu, Michel Nazzi. Toute une génération d’hautboïstes issus du Conservatoire de Paris et de l’enseignement de Georges Gillet !

A cette liste il manque le plus célèbre, celui qui est réputé avoir crée l’Ecole Américaine du hautbois : Marcel Tabuteau.

A New-York puis Philadelphie, Tabuteau a du sous la demande de ses chefs s’adapter et chercher un nouveau son qui puisse se fondre dans l’orchestre avec les autres musiciens mais qui puisse aussi fonctionner dans de grandes salles d’orchestres alors toutes neuves. Dans ses recherches il a produit une anche à la gouge plus épaisse mais surtout avec un grattage allongé ayant un W prononcé. C’est l’anche américaine.

anche américaine

Son influence a été très forte et durable grâce au Curtis Institut fondé en 1924 grâce à l’aide de l’éditeur Cyrus Curtis possédant notamment le Saturday Evening Post. Il s’agissait de créer une école de musique sans frais de scolarité pour de jeunes talents sélectionnés. C’est au sein de cette institution musicale que Tabuteau a pu former ce que l’on a appelé l’école américaine ou du moins « The Philadelphia Sound »…qui ne sonne pas aussi « rond » que l’on veut bien l’idéaliser…

Cette tradition qui consistait a adopter ce grattage long et à jouer obligatoirement Lorée (et plus précisément le modèle AK), cet héritage, n’a pas toujours du être facile car Tabuteau, comme son propre maître Gillet, n’était pas un tendre. Ses propres élèves ont perpétué cela de manière assez dogmatique. Les hautboïstes ont je crois durant des années voué une sorte de culte qui pourrait prêter à sourire. Cela me rappelle des pianistes qui il y a longtemps essayaient de remonter par le biais de la « généalogie » de leurs professeurs jusqu’à Czerny comme pour se revendiquer de cette filiation musicale !

En cherchant bien, on peut tout aussi bien remonter jusqu’à Moïse, non ? 😂

Toujours est-il que les Américains ont développé leur façon de jouer du hautbois et qu’ils l’ont défendue. L’IDRS crée an 1969 et qui unifie les anches doubles (hautbois & basson)  est un outil avant tout américain qui a sans  aucun doute joué un rôle dans  ce sentiment d’appartenance même si le I du sigle signifie international. Ils défendent encore leur conception sonore quand on en juge par le buzz qu’a occasionné la nomination récente d’un hautboïste espagnol au sein du Los Angeles Philharmonic. (Ramon Ortega Quero)

Mais ces réactions, cette vision fermée, repliée, semblent  aujourd’hui stériles et tellement étranges quand on se souvient que leur école américaine…est avant tout française et européenne si on regarde les passeports !

Si J’avoue avoir été ému par la vibration, la musicalité d’un Robert Bloom (et je le suis encore!) je trouve qu’en général c’est l’ennui qui me guète et pas vraiment The American Dream…Après, les goûts et les couleurs…


Post Scriptum

J’avoue être bien insensible aux prestations que l’on trouve de Tabuteau. Cela me laisse froid comme son Mozart de 1953 dont je vous ai mis le lien plus haut. Il n’est pas utile de me dire que c’est la qualité d’enregistrement qui joue malheureusement. Je lui préfère de loin Leon Goosens, hautboïste britannique dont voici un enregistrement tellement plus vivant, joyeux et communicatif malgré et datant de 1933. Même sa version de 1925 me semble préférable !

Une réflexion sur “The Oboe’s American Dream

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