Hautbois Gebrüder Mönnig AM 155

Hautbois Gebrüder Mönnig AM 155 ou modèle Albrecht Mayer

essai, analyse, expérience


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Il y a quelques jours à peine, mon blog fêtait ses 5 ans d’existence. J’ai inventé plein d’articles et comme Cyrano, j’ai varié le ton en disant bien des choses en somme…

Aujourd’hui ce sera peut-être un « non-article », je ne sais pas : j’improvise ! 🤣 Disons que je vais livrer quelques réflexions et nous verrons bien où cela nous mène.

J’ai souvent pensé à faire un bilan concernant mon hautbois Mönnig AM 155. Peut-être est-ce le moment ? Il est à peine plus vieux que le blog ! 😅

Alors, par où commencer ?

Je dirais que la chose qui m’a séduit le plus, c’est sa fluidité. C’est un instrument très facile d’émission,  à souffler, à mettre en vibration. Il est très souple et pas du tout instable ce qui aurait pu être une crainte peut-être légitime.

hautbois lustrage avant 2

hautbois clés nettoyées 4

C’est un instrument juste. Et les vis de réglages supplémentaires héritées des modèles Brillant de Ludwig Frank permettent éventuellement d’apporter une correction si besoin.  Les doubles correspondances permettent également d’avoir un grave qui ne soit pas trop bas. Et j’ajoute au passage que le grave est très facile d’accès. Les registres sont homogènes.

Hautbois et Macbook pro 3

Alain Vlamynck

C’est un instrument plus léger ou moins lourd qu’on ne croit. Quand on regarde la tête ou surtout le pavillon et son renflement très « baroque », on pourrait se dire :  c’est costaud, ça va être lourd mais en fait non.

Je peux également ajouter que c’est un instrument dont la mécanique est très fiable. Et même assez silencieuse. Après… C’est aussi une question d’entretien. Les clés ne ternissent pas vraiment pour peu que l’on soit soigneux.

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La plaque de pouce qu’il est possible de monter est un vraiment un plus en terme de confort si comme moi vous avez une grande main mais aussi en ce qu’elle libère le grave. Sur les Mi, Ré, Do, c’est flagrant.

nouveaux tampons1

Les tampons en silicone c’est une autre paire de manche. J’avoue qu’il sont bien pratiques en cas d’humidité et je n’ai pas de tampons qui collent. Ce serait un peu difficile…

Quand ils sont neufs ces tampons en silicone font merveille en apportant encore un peu plus de liberté, de vibration, de résonance. Il faut juste penser à les nettoyer de temps en temps pour que ce soit optimal. On peut ne pas aimer le léger changement de timbre. Avec le temps cependant, ils ont tendance à se tasser en quelque sorte et les appuis ne sont plus aussi nets. Cette différence d’appui est légère mais tout de même présente. Il me faut alors compenser avec les réglages et ce n’est pas forcément le but premier. Cela fait 3 ans que je les ai fait installer. Sans doute faudrait-il que je les fasse changer ? Pas top. Sur ce point là,  je ne sais pas trop quoi en penser. Remettre des tampons silicone ? Revenir à des tampons lièges et cuirs plus conventionnels ? Je l’ignore pour le moment. 🤔

Si vous souhaitez entendre la différence entre tampons en liège et tampons silicone,  j’avais réalisé cette expérience : 😃

Au sujet des anches et plus particulièrement des tubes, je dirais que c’est un instrument tolérant. Que je joue des tubes un peu serrés ou plus ouverts, ça ne me pose pas de problèmes apparents. Il est vrai ensuite que je ne suis pas dans les extrêmes : du Chiarugi 1 au D12 de RaTubes en passant par le D11 de Frank&Meyer.

Le timbre naturel de l’instrument est assez clair et va à l’encontre de beaucoup d’autres instruments. Ceci dit, il n’y a pas de difficultés à avoir une sonorité ronde ou sombre même. Il suffit de jouer sur les anches.

Devant les qualités chantantes de cet instrument, je m’étonne qu’il ne soit pas plus adopté par les musiciens. Il y a bien eu un effet découverte mais j’ai le sentiment – je peux me tromper – que le soufflet retombe contrairement aux cors anglais plus appréciés je crois. D’ailleurs, même si je m’éloigne un peu de mon sujet, je dirais qu’il en va de même pour le hautbois Josef 20th Anniversary. C’est étonnant qu’il n’y ait pas plus de turn over pour ces instruments qui ceci dit sont très proches soniquement, dans cette approche de la fluidité, de l’aisance.

Josef 20th alain vlamynck 6

Mais peut-être est-ce ça justement qui dérange ? Les musiciens veulent-ils plus de résistance ? De densité ou de pâte sonore ?

Je ne dirais pas que le Mönnig AM 155 manque de caractère. Peut-être est-il plus neutre ? Dans une vidéo qui date de nombreuses années, Albrecht Mayer émettait le voeu d’un hautbois semblable à une page blanche. Je ne suis pas certain que cela soit possible ni entièrement souhaitable. Il est vrai que ce hautbois est volontaire mais je crois aussi qu’il ne pardonne pas beaucoup pour les anches. Peut-être est-ce là aussi une pierre d’achoppement ? Je l’ignore. Mais si vous êtes concernés par le sujet vous pouvez toujours me partager vos remarques, vos ressentis ou expériences. 😉

Je sais que des fois, des critères autres que musicaux, peuvent entrer en compte dans l’adoption d’un hautbois chez les professionnels. Malgré tout, j’ai été assez surpris dernièrement d’apprendre que Fabien Thouand abandonnait son Mönnig AM155 pour le M2 de Marigaux. Quand on l’entend dans de superbe concert à la prise de son impeccable, j’ai du mal à imaginer ce qu’il peut reprocher à cet instrument en jouant ici de façon extrêmement convaincante ce concerto en sol mineur de Giovanni Platti. Quelle merveilleuse interprétation surtout dans le mouvement lent et quelle sonorité ! L’orchestre est lui aussi excellent !

Bon, après… On peut quitter un instrument que l’on aime pour un autre qui nous fait du charme. J’en sais quelque chose. Mais je le comprends mieux quand c’est pour la nouveauté.

Fabien Thouand hautbois

Pour l’anecdote, car j’ai un oeil de lynx, il avait fait installer une modification (pas très esthétique je l’avoue) sur le levier de correspondance pour simuler le Do anglais du thumb plate qui est plus pure et très stable. J’espère que du coup sur son M2 il aura pris directement cette option, puisqu’elle existe au catalogue Marigaux !

Marigaux hautbois clé de do anglais

La position d’une telle clé n’est peut-être pas ce qu’il y a de plus ergonomique. J’ai personnellement une autre idée bien meilleure sur le placement mais il va falloir percer et bouler 2 fois en supplément … 🤓 😇

Allez ! Je reviens à mes moutons ou à mon Mönnig AM155 plutôt. Vous vous dites :

 » Pfff, trop beau pour être vrai, il ne voit que des qualités. Très objectif tout ça ! » 😏

Et bien… NON !

Il y a des choses qui me déplaisent. Le clétage comme je l’ai indiqué est très fiable et agréable mais certaines choses me font tiquer.

hautbois tampons lièges 1

La plus grande déception c’est la copie de l’inclusion du Mib gauche qui est étendu pour venir se loger dans la clé de Sol# qui est creusée. Normalement c’est pour faciliter l’appui simultané sur les 2 clés comme pour un Mi suraigu. Mais personnellement je trouve le Sol# trop creusé et du coup, à moins d’avoir des paluches plus  gigantesques que les miennes ou d’appuyer avec pression sous la phalange, ça ne marche pas aussi bien que sur le M2 qui avait été copié. Pas assez bien sur ce coup.

photo alain vlamynck

Autre point qui concerne le clétage et qui un point que je retrouve étonnement sur d’autres instruments, le levier de Fa main gauche placé bien trop haut et qui empêche de glisser du Sib grave au Mib grave. Ok ! C’est pas tous les jours que ça m’arrive. Mais quand j’en ai besoin, c’est la dèche.

Du coup j’ai pensé à faire changer la clé. C’était convenu il y a 2 ans avec Veit Schindler qui dirige Gebrüder Mönnig mais ce fucking virus est venu foutre le bordel dans nos vies et  jusque dans mon étui de hautbois ! 😅 Si je le croise celui là, je lui claque un ARN direct dans sa gueule en guise de message ! 😤 🖕 👊

Oups !!!! Revenons s’il vous plait à un langage plus châtié, bordel de m…. 😁

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Autre point qui m’agace mais là encore vous allez rire : la clé Gillet. Comme sur tous les hautbois de toutes les marques elle n’est jamais fichue d’être bien intégrée avec le plateau de Ré. C’est mieux chez Buffet Crampon.  Mais en général il faut toujours se contorsionner et ça m’énerve. Pour bien faire, faudrait que je tente la greffe d’une phalange supplémentaire à l’annulaire 🤣

Sinon, sans me vanter j’ai une solution à laquelle je songe depuis loooooooogtemps mais j’aimerais que ce soit breveté ou protégé du moins.  Si seulement un ou deux fabricants français m’appelaient… 🥺 Allez ! Je vends mon âme mais surtout mon idée pour un hautbois gratos 😅 Je fais même une « offre duo » avec la clé de do en prime mais je suis moins sûr de moi sur cette dernière 😄

Autre chose, toujours sur le clétage, je dirais qu’il est confortable mais ce n’est pas le plus véloce que j’ai eu et si on rentre dans les micros détails qui n’intéressent que moi, mon expérience avec les vis de réglages font que je suis souvent dans le trop ou le pas assez. Difficile parfois d’atteindre le juste milieux.  Question de pas de vis ? Je réglais beaucoup plus facilement mes Lorée et là aussi je dirais que les tampons lièges, c’est plus facile pour gérer les tensions avec une feuille à cigarette. Des fois, ça parait…Flou. 😶

photo Vlamynck Alain

Un dernier point mais c’est peut-être moi le problème, je ne dis pas le contraire. J’aime le Ré et le Do# aigus qui sont vraiment stables et l’accès aux notes Mi-Fa-Fa#-Sol suraigus qui est vraiment d’une grande facilité mais pour aller au delà… C’est une vraie galère, difficile pour les La suraigus, même avec les dents. Je ne me posais pas de question avec mon Royal sur ce point.

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Après, les notes stratosphériques ne sont franchement pas les plus belles et c’est vrai que je ne les rencontre pas tous les jours. Je peux vivre sans ! 😅 Mais si il y a un point négatif qui m’a vraiment étonné c’était celui là. Je n’ai jamais trouvé avec lui l’ascenseur pour le tout tout dernier étage ou ces toutes dernières notes.

Plus sérieusement, est-ce que cela pourrait-être dû au travail sur la perce qui facilite tellement la tessiture principale mais au dépens de ces notes là ? J’imagine que les autres fabricants ne les prennent pas forcément en compte. Mais du coup, la musique dite « contemporaine » style Berio, j’ai l’impression que c’est pas trop son truc non plus.

De mon instrument j’ai l’image d’un superbe hautbois d’orchestre et non celui d’un soliste, ce qui est assez ironique avec Albrecht Mayer qui est soliste et musicien d’orchestre.

Sur une dernière idée qui me vient à l’instant, en repensant au sujet de l’adoption ou pas de ce hautbois notamment par des professionnels, je me demande parfois si le nom même de l’instrument n’est pas un frein ou une ombre pour certains. Prenez une copie, vous avez deux heures pour plancher et disserter ! 🤓 😜

UNE CONCLUSION

Même si vous le voyez, je prête à mon instrument des qualités et des défauts, je ne regrette nullement mon choix. Et même si j’ai joué et essayé surtout de nombreux autres modèles, bien peu m’ont attiré au point d’hésiter et de souhaiter changer depuis. Cela arrivera peut-être une autre fois ? Pour l’instant je lui suis attaché car j’ai le sentiment qu’il m’aide, je me sens à l’aise grâce à sa facilité d’émission qui est pour moi un point fort.

Par moments, j’ai la nostalgie du bois de violette, je ne m’en cache pas. Un superbe mopane pourrait aussi me séduire à condition d’être vraiment excellent. Ou un hautbois en buis qui n’existe pas…

On peut toujours rêver et c’est ce que je fais depuis 35 ans…


Pour une note finale, plus qu’un dernier mot, voici un Mönnig AM 155 en mopane et clés dorées sur lequel joue Albrecht Mayer :

4 réflexions sur “Hautbois Gebrüder Mönnig AM 155

  1. Really nice article! I play with a Mönnig AM too. My principal thought about this oboe is you must need blow in the right way, otherwise the sound and entonation doesn’t come out correctly. Hope you understand my English.

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  2. Bonsoir Alain,

    la clé Gillet, ça sert à quoi? si tant est qu’elle soit accessible?
    J’ai eu le loisir d’essayer aux Read à Lyon le WE dernier un hautbois d’amour et un cor anglais Moenig, tous deux fabuleux. Mais avec des doigtés allemands pour le suraigu… Ludwig Franck peut-il régler ou fabriquer spécialement des instruments à doigtés français? quelle est votre expérience pour votre hautbois?

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    • Bonsoir Laurent,

      La clé Gillet sert notamment à triller do-réb mais tu peux aussi l’utiliser pour jouer des sib graves comme par exemple dans le 3ème mvt de la sonate de Poulenc et du coup éviter les glissades pour le mib. C’est pas une clé qu’on utilise tous les jours, c’est clair mais son ergonomie est trop souvent négligée sur pas mal de binious pour qu’on se décide à lui prêter plus d’attention…alors qu’elle pourrait dépanner certaines situations.

      Concernant les Mönnig essayés, je suis ravi que vous les ayez trouvés fabuleux. Sur mon hautbois, notamment au tout début, j’avais eu l’occasion de me rendre compte que les doigtés courts allemands répondaient très bien et rendaient la 3ème clé d’octave…superflue au passage avec une 1ère clé très efficace. C’était plus direct et facile. Mais les doigtés français fonctionnent très bien et sont plus justes avec mes anches.

      Les hautbois d’amour et cor anglais de la marque ont un aigu très accessible mais il faut que la 3ème clé soit bien réglée. Comme avec beaucoup d’autres facteurs ou marques, elle est souvent trop ouverte. Et sur des instruments de cette taille c’est peut-être encore plus critique que sur un hautbois, en fonction de vos anches…

      Voilà ce que je peux en dire. J’espère que vous aurez l’occasion de les essayer à nouveau et dans des conditions plus optimales qu’un congrès.
      N’hésitez pas à contacter Amaury Montac de AJ Music sur Paris le cas échéant. 😉

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  3. Ca fait 35 ans que je me fais suer dans le 3eme mouvement de la sonate de Poulenc alors il faut que j’essaye cette clé Gillet après m’être fait greffé une phalange additionnelle. Merci du tuyau.
    J’avais fini par trouver une astuce: coller un petit bout de papier téflon autocollant. Mönnig propose d’ailleurs des clés à roulette comme sur les saxophones: enfin!

    Sinon les conditions des Read à Lyon étaient idéales: comme c’était les vacances scolaires, plein de salles libres pour les essais seul dans le silence. J’ai pu prendre tout mon temps pour comparer un hautbois d’amour Lorée et un Mönig, les deux qui m’ont le plus séduit. Le Mönnig pour la facilité d’émission du son, sa projection et qui se joue comme un hautbois. Le Lorée plus feutré, plus rond et très très homogène quant à sa justesse sur la totalité du registre, plus abordable aussi financièrement.
    J’ai pu faire le grand tour des cors anglais: Fossati, Marigaux, Lorée, Howarth, Buffet et Mönnig. Manquait à l’appel un Josef et un Bulgheroni. Deux sortaient du lot: le Buffet Crampon très proche bien qu’un petit cran en dessous du Mönnig. La combinaison gagnante fût un Mönnig AM allégé avec un bocal Lorée et un pavillon en Cocobolo ou Mopane (je ne sais) dont le diamètre est plus large que le pavilon standard en ébène. Ce cor anglais étonne pas l’homogénéité du timbre et de l’amplitude sonore disponible du grave aux aigus. Une justesse impeccable et une grande facilité d’émision du son du pp au ff. Le Buffet le talonnait de très près, avec sur le modèle essayé, un Sib grave fabuleux et un prix un peu moins douloureux. Reste à réunir les finances pour jouer 3 min dans une symphonie sur 10. Je suis médisant, le cygne de Tuonela, ça dure plus que 3 minutes et l’Oratorio de Noël aussi mais faut réunir 4 hautboïste et disons 40 000 euros pour les instruments…

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