Telemann Fantaisie n°9

Telemann Fantaisie n° 9 en Mi Majeur TWV 40 pour Hautbois : partition, analyse, interprétation.


Il y a quelques mois j’ai saisi l’occasion de participer à un concours concernant les Fantaisies de Telemann originellement composées pour traverso ou flûte traversière, sans basse. Initié par la BDRS et George Caird en particulier pour la réalisation d’un CD pédagogique, le concours consistait à enregistrer une fantaisie (ou un extrait) parmi les 12 du recueil. 

Mon choix s’est tourné vers la neuvième fantaisie en Mi Majeur. Si le recueil est fortement influencé par la danse et des références à la polyphonie, cela apparait moins être le cas ici. Du moins au 1er regard…

Le 1er mouvement, Affetuoso, est de tempo lent. Le titre exprime un sentiment affectueux, une certaine tendresse de caractère. Il s’agit d’une sarabande dont les 2 premiers temps de la mesure sont souvent marqués avec un 3ème plus léger. Le mouvement typique d’une Suite possède une structure binaire à reprises qui est caractéristique. Le 4ème mouvement possède lui aussi la même structure. Ces mouvements se rattachent assez facilement à la danse en fait. 

Ce 1er mouvement, en raison de son tempo lent (qui ne doit pas l’être trop non plus) est assez long sur l’ensemble de la fantaisie. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de ne pas jouer 2 fois la 2ème partie mais de donner tout de suite la version que j’ai ornée personnellement. Je ne sais pas si c’est pour la même raison mais Heinz Holliger est l’un des rares au hautbois à avoir fait ce choix également.

La prédominance de valeurs pointées avec les rythmes de marche mais également l’enchainement avec un second mouvement vif (comme pour organiser une Ouverture) et le mouvement final assez truculent ou pittoresque m’ont fait identifier un caractère plus français à cette fantaisie que j’ai pris en compte pour mon ornementation : mordant inférieur, tour de gosier, port de voix, arpègement

N’oublions pas que Telemann composait beaucoup selon les styles des nations qu’il se plaisait également à réunir dans ses oeuvres : esprit italien, français, allemand…

Une chose également m’a semblé importante : de nombreux hautboïstes jouent d’un souffle continu   la mélodie des 2 parties. Si le débit de l’air restreint familier au hautbois le permet, il m’a semblé plus naturel de revenir à quelque chose qui respire comme c’est obligatoirement le cas avec l’instrument d’origine : le traverso. Il suffit d’écouter Barthold Kuijken par exemple pour que cela saute aux yeux comme une évidence.

Le second mouvement est un Allegro, simple indication de tempo rapide. Il est en une seule partie mais on y trouve un travail de modulation sur le thème. Avec certaines notes pivots,  des changements de registre ou d’amples intervalles on retrouve un travail qui simule tantôt une légère polyphonie, un dialogue. Dans ce perpetuum mobile, en observant la mélodie vous obtenez souvent une harmonie, un accord par mesure. En alternant souvent une note statique avec une autre mobile comme dans la technique du bariolage, ce second mouvement possède une écriture violonistique.

Ce n’est d’ailleurs pas le seul élément puisque vous avez les rythmes lombards qui sont là selon moi pour donner l’illusion d’une double corde. C’est la raison pour laquelle je les ai assez fouettés. Il doivent être très vifs pour que l’on puisse plus facilement identifier cet effet.  Il est amusant de constater sur le manuscrit que les fragiles et imprécises techniques d’édition d’alors suggèrent presque un tremolo sur 2 cordes. C’est du moins ce que je me plais à imaginer. 

Peut-être peut-on approcher ce second mouvement avec un Passepied ? Quoiqu’il en soit, je l’ai imaginé spirituel, animé, décidé ou léger, tantôt plaintif, tantôt énergique.

Le 3ème mouvement est de tous le plus court. A tel point que l’on peut s’interroger s’il s’agit vraiment d’un mouvement. Il s’agit plus clairement d’une transition se terminant sur une demi cadence,  suspensive. Sans doute, enchainer assez directement sur le 4ème mouvement est une bonne idée selon moi. 

Ce Grave, doit posséder un tempo très lent mais pas rigide : il faut que l’on ressente les syncopes qui peuvent évoquer comme une réminiscence lointaine celles du 1er mouvement. Il reprend d’ailleurs l’accentuation de la sarabande. D’ordinaire ce mouvement est assez dénigré :  je sens qu’on ne lui donne pas beaucoup d’importance et l’ornementation qu’on en fait est généralement assez plate. J’ai tenté pour ma part de lui donner un nouveau jour et une apparence plus séduisante. 

 

Le quatrième et dernier mouvement est très festif, joyeux, presque comique. Le thème plus rustique et populaire semble correspondre à une bourrée. Le tempo Vivace est à prendre de manière mesurée, sans jeu de mots. On conçoit depuis le métronome cette indication comme étant plus rapide qu’un Allegro ce qu’elle n’est pas dans la musique baroque. Le tempo se conçoit en fonction de l’esprit musical et de la mesure, de sa signature rythmique. Un vivace c’est avant toute chose une musique vivante et florissante ! 

Les différentes éditions (et même ma préférée) n’ont jamais retenue, mentionné ou corrigé  la légère incohérence qui se trouve dans le motif final avant les barres de mesures. Vous avez une version avec note de passage dans la partie A alors que dans la partie B il s’agit d’une broderie. Observez les doubles croches. Cela peut être une distraction du compositeur ou de l’imprimeur original ou un choix intentionnel, qui sait ? Les deux formules se valent mais il me semble intéressant d’harmoniser un choix plus logique. En ce qui me concerne, j’ai modifié l’avant dernière note lors des reprises.

Après avoir longtemps hésité sur son emploi, je me suis amusé à jouer en sorte un flattement sur la toute dernière note et je suis heureux  de constater qu’elle a retenue l’attention du jury même si ma version imparfaite n’a pas été sélectionnée. Mais s’il fallait ne retenir qu’une note de tout mon enregistrement c’était celle là ! 😌 😃

Your beautiful account of the E major Fantasia had much character and life, and followed the style of the music with interesting ornaments and well-chosen tempi. The opening Affetuoso was so musically played with a fine singing line. Perhaps your dynamics were not quite as marked as some performances (could repeats be really contrasting in dynamic and colour?) but the ornamentation made up with some nice variation. The Allegro was very lively and vital although the rhythm was occasionally a little loose. The last movement was characterful with lovely ornaments and I enjoyed your awareness of the French baroque style with the addition of a flattement trill on the last note! Telemann would have loved this I think. 

Thank you, Alain, for your playing and we wish you well for your playing in the future. 
With best wishes
George

Fantaisies de Telemann