Cet article va traiter de l’aiguisage des couteaux pour hautbois ainsi que des pierres à aiguiser.
En hautbois, avoir l’esprit aiguisé ne tient qu’à un fil : celui du rasoir.
Pas de vague à l’âme (lame ?).
Evitons d’être barbant lorsqu’il gèle à pierre fendre et maintenant que nos sens sont affûtés, entrons dans le vif du sujet : l’aiguisage et les pierres à aiguiser.😆
En fait ce sont plus les pierres qui m’intéressent personnellement mais je sais que d’autres personnes sont en demande.
L’aiguisage est un sujet assez controversé car tout le monde sait mieux que tout le monde et si je peux éviter de recevoir des leçons sur un ton condescendant de la part de personnes qui d’ordinaire m’ignorent, cela me serait bien agréable 😁
Réflexions liminaires
Que veux-t’on d’après moi : un couteau qui gratte ! 🤯 😁
Couper, effiler, entailer, désosser, lever, éplucher, équeuter… C’est utile en cuisine. Et même si on utilisait parfois des coupe-choux ou des couteaux ressemblant à des rasoirs de barbiers, on va également éviter de raser ! Même si ce résultat est moins problématique à mon avis.
Pourquoi faire ? Gratter une anche de hautbois pardi !
Mais au moment de procéder à cela, plusieurs facteurs entrent en jeu :
- Le couteau, sa nature, son profil…
- Le musicien, sa physionomie, son caractère…
A l’usage, nous pouvons avoir des préférences pour tel ou tel couteau, qui diffèrent ; nous pouvons être attaché à un modèle, à une marque même ! 😍
Nous cherchons pourtant un grattage similaire dans son concept, comme si nous suivions un plan et nous n’utiliseront pas exactement les mêmes outils de la même façon : ce ne sera pas le même angle, la même pression, les mêmes mouvements… 🤓 🤪
Par ailleurs, les étapes pour réaliser le grattage ne sont pas toujours les mêmes non plus. Pour ma part, j’aimais dégrossir, faire le gros œuvre avec un couteau biseauté et pour les finitions, j’aimais utiliser un couteau droit, à lame courte, pour plus de délicatesse et de légèreté. Mais je sais que d’autres font tout avec un seul et même couteau ! 😶
Mais sachez que ma pensée est elle même est un cliché. Car si vous avez un bon couteau biseauté, il peut être affûté de manière très délicate et c’est ce que j’apprécie le plus aujourd’hui, sans le réserver au gros oeuvre. 👊
Depuis de nombreuses années j’utilise peu les couteaux et ma façon de les utiliser à changé. Vous me lisez et le savez bien, je travaille en effet avec des machines à gratter qui permettent une qualité, une constance, une précision que l’on atteint en très peu de temps et c’est très appréciable. Les couteaux me servent donc juste à gratter l’écorce superficielle pour épargner la lame de la machine mais surtout à faire les finitions en fin de parcours.
Pour conclure cette première partie : les outils, les utilisateurs, les utilisations, les attentes ne sont pas les mêmes. Voici pourquoi je me garderai bien de dire ou de donner la recette miracle pour aiguiser vos couteaux de hautbois !
Si elle existe, je la garde pour moi, na ! 😝
Je continue de penser que le savoir, l’apprentissage est un trésor qui se mérite et se gagne, s’acquiert par des efforts, de la recherche ou expérimentation, par de l’attention, de la curiosité et de l’humilité. (Non, le savoir ne se reçoit pas gratuitement comme une pochette surprise… Au grand dam de mes élèves d’ailleurs ! Ou alors…. Payez-moi !)
3 Règles d’or
1. Avoir un BON couteau. Vous voulez de bonnes anches ? Oui ? Alors n’économisez pas vos bouts de chandelles en achetant un coupe papier ! 😅
2. Un BONNE pierre. Une Arkansas, c’est la base. Mais je reviendrai sur ce point dans la suite de cet article.
(J’utilise très peu le cuir d’affûtage mais vous pouvez l’utiliser simplement comme entretien lambda. Juste quelques passes suffisent pour avoir un fil délicat. Inutile de l’acheter chez un fabricant de hautbois ou site dédié au hautbois et préférez l’armurerie quand vous en avez une près de chez vous ! Vous aurez mieux, plus grand et MOINS cher ! 🥳)
3. Ne pas attendre qu’il soit trop tard pour prendre soin de votre couteau. Entretenir c’est facile, rectifier l’est moins. Faites donc ce que je dis et pas ce que je fais ! 😅
Couteaux pour hautbois
Il en existe essentiellement 2 types :
- Les biseautés. Mes préférés. Endurants, robustes, polyvalents, efficaces. J’ai mis 20 ans à user et pas complètement mon Ando ! 💪🏆
- Les droits et/ou les concaves. Plus fragiles à mon sens mais qui ont un tranchant plus fin, optimal, que l’on peut davantage personnaliser en fonction d’angles d’aiguisage.
Il y a donc 2 types d’aiguisage 😉
- Dans le 1er cas, on suit le biseau. On se laisse guider. (Il y a des personnes pour souhaiter réaliser un micro biseau au biseau. Moi, j’aime quand c’est simple 😅)
- Dans le 2ème cas on donne, on imprime un angle à la lame et c’est là ou la recherche et la curiosité prennent leur sens.
Aiguisage d’un couteau biseauté de hautbois
Voici donc ce que je vous propose modestement.
- Quelques passes préliminaires du plat du couteau, le fil tourné vers nous. Avec une pression légère à modérée.
- Ensuite on retourne le couteau comme pour l’utiliser. Le biseau doit être bien à plat. On appuie sur son étendue, à deux mains. Si possible, démontez la lame de son manche ou dans le cas contraire focalisez vous et prenez prise sur la lame et non pas sur le manche.
- Orientez la lame en biais sur la pierre puis poussez là vers l’extérieur en visant les angles. On lève la lame, on revient au point de départ et…Hop ! On recommence !
On fait ça plusieurs fois avec un appui modéré puis plus léger en fin de série. L’idée c’est de vouloir ôter une fine pellicule de la pierre (Simple image… Ne cherchez pas sérieusement à couper la pierre !😂)
- Retournez le couteau à plat, le fil tourné vers vous, comme au début. Le couteau est perpendiculaire à la pierre. Faites quelques passes mais généralement moins nombreuses que dans le sens précédent.
- Pour finir, tirez, glissez le couteau sur le côté.
Si nécessaire, recommencez cette procédure avec pourquoi pas des séries dégressives ?10/10, 9/9, 8/8 etc… ou pourquoi pas 6/4, 5/3, 4/2, 1/1 ?
Vous pouvez d’ailleurs recommencez en changeant de pierre et en allant sur un modèle au grain plus fin ! Ok c’est un investissement mais vous pourriez en être très satisfait et ne jamais le regretter ! 😇
On peut aussi alterner les passes aussitôt dans un sens puis dans l’autre. (1/1) A vous de tester !
De nombreuses possibilités s’offrent à vous : changer l’orientation du couteau et vous pourrez aussitôt constater les stries sur le métal correspondant à votre mouvement : en biais vers la gauche, en biais vers la droite, de manière perpendiculaire à la pierre, un choix, deux choix ou les trois, tout est possible ! Mais tout ne donnera pas le même résultat.
Certains aiment les va-et-vient de la lame sur la pierre, d’autres affectionnent faire des cercles tandis que d’autres encore font des 8 ! J’adore ça pour la gestuelle mais je trouve mon résultat moins bon, c’est pourquoi je préfère décomposer mon mouvement. Vous connaissez la fable du lièvre et de la tortue ?
Quelques mots clés
- De la patience
- De la précision
- Imprimez un rythme, un mouvement mais ne cherchez pas à aller trop vite.
- Ecoutez le son. Soyez attentif !
Et si ça ne marche pas ? 🤨 🤔
Aucune crainte à avoir ! Avec une bonne pierre on n’abîme rien 😇 et on peut toujours reprendre ce travail d’aiguisage le lendemain ou un autre jour à tête reposée. 😉
Aiguisage d’un couteau droit de hautbois
Ma démarche et l’esprit qui est le sien demeurent les mêmes. Globalement.
MAIS
- Quand vous commencerez avec le couteau retourné, le fil de la lame dirigé vers vous, donnez et imprimez à la lame un angle faible et répétez toujours le même mouvement qui est ici en biais par rapport à la pierre.
Ayez soin de votre mouvement, soignez l’angle et la pression.
- En utilisant ensuite le couteau dans le bon sens, en voulant l’éloigner de vous, toujours en biais, rappelez-vous d’essayer d’ôter une fine pellicule de la pierre avec cette fois-ci un angle plus grand.
Une dizaine de répétitions devraient faire l’affaire pour commencer puis recommencez la procédure sur une pierre plus fine mais en appliquant le « grand angle » dans les deux sens.
Enchainez de manière plus légère. En montant pour la dernière fois, faites fuir la lame un peu plus vers la gauche. A l’opposé, quand vous descendez pour la dernière fois, faites fuir la lame un peu plus vers la droite de la pierre.
- Pour finir, vers vous, à plat, on retire la lame sur le côté
Je cherche des angles assez faibles, 5-10° puis 20-25°. Certaines personnes aiment un angle plus grand vers 30-40°. Ça aiguise plus vite, mais c’est parfois un leurre sur la qualité finale.
Mais vous l’avez compris, en ce domaine comme en d’autres c’est à vous de chercher le résultat qui VOUS plaira. Comme précédemment, vous pouvez créer votre propre routine d’aiguisage.
La seule chose que je déconseillerais ce sont les va-et-vient, les cercles et les 8. Mais… c’est personnel et il est bon que vous vous fassiez votre propre idée. 😉
Une astuce, un objectif & une morale
- Certains utilisent des pièces de monnaie aux extrémités de la pierre pour avoir l’idée d’un angle précis : 1 pièce fine et une autre plus épaisse (ou 2 fines mais identiques) pour le grand angle.
- L’objectif ultime, s’il y en a bien un, c’est de répéter le même angle. Inutile donc de se prendre la tête sur ce que vous devez faire. Faites quelque chose à l’identique et vous devriez déjà obtenir un résultat positif. Il faut sentir les choses, être à l’écoute.
En cas de problème (ce serait trop beau sinon 🤣)
Quelques passes à plat de chaque côté sur une pierre à grain moins fin éventuellement et on fait un « reset » ! Et là, vous pouvez vous lâcher sur les cercles et les 8 ! 😁
Voilà ! Je pense et j’espère avoir été assez clair tout en restant fidèle à mes intentions. Après, c’est un sujet aussi vaste que tout le bla bla que l’on peut tenir sur les roseaux et les anches en général. Il est bon d’être passionné et cultivé mais à un moment il faut bien vivre et jouer ! 😅 💃 🕺 🥂 🎶 🥳
« Le simple est toujours faux. Ce qui ne l’est pas est inutilisable. »
Paul Valery.
Pingback: A couteaux tirés (2) – Alain et ses roseaux enchantés