Fantaisies de Telemann

Fantaisies de Telemann, histoire, hautbois


Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, ma première révélation hautboïstique fût mon 1er CD « The Artistry of Heinz Holliger » chez Denon qui contenait notamment 2 Fantaisies  pour hautbois solo de Telemann.

The artistry of Heinz Holliger

Une petite histoire

Georg Philipp Telemann par Georg Lichtensteger

Elles étaient en fait issues d’un recueil plus connu des flûtistes que le compositeur avait composé et publié pour leur instrument entre 1731 et 1733 à Hambourg, comme il l’indique dans son autobiographie : 12 Fantaisies  sans basse pour le Traverso. Elles sont aujourd’hui répertoriées sous le numéro de catalogue  TW 40:2-13.

autobiographie de telemann publiée par Mattheson 1740

Il existe encore une seule copie de ce recueil ayant survécu au temps : l’exemplaire se trouve à la Bibliothèque du Conservatoire Royal de Bruxelles (T 5823 W) mais qui -chose amusante- affiche le violon comme instrument et oublie le nom de son auteur !

fantaisies de Telemann 1ère page

L’oeuvre est typiquement pour la flûte qui a cette époque n’était munie que d’une seule clé. La tessiture est assez restreinte (2 octaves) et va de Ré3 à Mi5.

flûte traversière baroque copie Denner

Les fantaisies forment ici un cycle comme il est assez courant à l’époque et elles progressent selon leur tonalité :  Aa bBb C dD eE f# Gg. On peut remarquer qu’elles sont disposées avec une certaine « liberté » quand à leur appartenance au mode majeur ou mineur mais que quelques tonalités peu praticables sur le Traverso sont absentes. On peut noter aussi que la progression est erronée avec la fantaisie 3 en Si mineur qui précède le Sib majeur de la 4ème fantaisie.

La grande majorité de ces fantaisies s’articule en 3 mouvements (ou 2 mais rarement plus). Ils sont nommés le plus souvent par une indication de tempo (Grave, Allegro…) mais aussi par des indications de caractère, plus sensibles et qui semblent être une nouveauté à l’époque : Dolce, Spirituoso

L’univers de la suite ou de la sonate n’est jamais très loin. La danse est souvent présente dans les derniers mouvements, plus légers voire facétieux. L’esprit de la fugue se remarque lui aussi dans quelques mouvements plus rapides. Certains mouvements semblent plus rigoureux de construction (L’ouverture à la française de la 7ème fantaisie) quand d’autres sont tout simplement plus originales et libres par leur alternance de tempi lents et rapides (1ers mouvements des fantaisies 1,3,5 et 12).

On trouve dans le travail de Telemann une grande la richesse d’idées, de matériaux thématiques. Sa musique est assez versatile : chantante, profonde, virtuose, délicate. C’est la joie qui domine même si le pathos ou le comique forment parfois une parenthèse. Mais la plus grande richesse est sans aucun doute le travail sur les intervalles  qui permet ici de simuler une polyphonie sur un instrument qui ne le permet pas.

extrait telemann fantaisie 3

Telemann était un autodidacte à la base de sa formation et clairement un pédagogue et pas uniquement en raison de sa revue « Der Getreue Musikmeister » dans laquelle il publiait des oeuvres pour les amateurs .

Der Getreue Musikmeister

C’est la nature même de sa musique qui le prouve en s’adressant tout autant aux « connaisseurs » (ou virtuoses) qu’aux « amateurs » comme le font ces fantaisies variées et divertissantes où se cache sous une belle musicalité l’étude des intervalles, de l’articulation, du chromatisme et du style.

En partition

Si vous recherchez une édition de qualité je ne peux que vous conseiller de vous tourner vers une édition originale pour flûte et non pas une adaptation pour le hautbois où les tonalités sont parfois bouleversées.

12 fantaisies de Telemann Amadeus Verlag.jpg

Mon édition préférée est celle de Peter Reidemeister publiée en 1992 par Amadeus Verlag (BP370). La qualité de gravure, de mise en page est indéniable. Ses corrections et indications éditoriales sont un plus. La qualité du papier est également appréciable. Mais l’apport principal de cette version est le fait qu’elle donne à voir le facsimilé intégrale avec beaucoup de lisibilité et de contraste et la même oeuvre avec la notation moderne. Les Editions Musica Rara le faisaient déjà mais avec beaucoup moins de bonheur… Ici, vous pouvez foncer les yeux fermés ! Mais pensez à les rouvrir après tout de même !

En disque

Ce n’est pas une oeuvre originale pour hautbois et si quelques interprètes ont parfois l’idée d’insérer une fantaisie de Telemann dans leur programme, peu les ont enregistrées intégralement.

telemann par Holliger

Le 1er à l’avoir fait est Heinz Holliger en 1979. Denon a d’ailleurs réédité 2 fois le disque en 1995 et 2010. Un vibrato omniprésent et parfois exacerbé, le panache d’Holliger fait oublier sa sonorité parfois perçante à nos oreilles d’aujourd’hui. Il est également sorti chez Regis en 2010.

Pour écouter Heinz Holliger

telemann par leleux

J’apprécie énormément deux autres versions. Celle tout d’abord de François Leleux, au début de sa carrière, en 1996, chez Syrius. D’une sonorité plus feutrée il interprétait ces oeuvres avec une fantaisie renouvelée, du goût et beaucoup d’assurance. Mais avec son interprétation en mémoire, j’ai de moins en moins de goût à affronter ces fantaisies tant le résultat est cruel pour moi. 😕 😁

Pour écouter François Leleux

telemann par Vilém Veverka

La troisième version que j’apprécie est celle qui me pousse à écrire cet article en quelque sorte. Il s’agit d’un disque sorti en 2013 chez Supraphon mais que je n’ai découvert que depuis 1 mois et que j’ai beaucoup de plaisir à écouter : Vilém Veverka. C’est un artiste prometteur dont je vous parlerai plus longuement une prochaine fois je crois ! A l’écoute je trouve qu’il s’appuie parfois -mais sans copier-  sur ses prédécesseurs mais sait montrer beaucoup d’originalité. Une sonorité ronde, beaucoup de contraste par moments avec des graves puissants et des doubles assez inspirés dans les reprises sans que cela tourne à l’exagération ou à la caricature. J’aime aussi que l’église ne réverbère pas de trop car je trouve cela assez fatigant à la longue.

[Un double est la reprise variée et ornementée d’un air, d’un passage]

Pour vous faire une idée pour pouvez cliquer sur le lien de cette vidéo où Vilém semble heureux de la sortie de son disque ou écouter le montage que j’ai réalisé.

Présentation de Vilém Veverka


Il existe bien entendu quelques autres artistes ayant enregistré au hautbois ces 12 Fantaisies de Telemann.

  • Alex Klein chez Boston Records, si on aime le hautbois avec l’écouvillon laissé à l’intérieur. (Je sais, ce n’est pas mon genre habituellement mais là…en dehors d’une virtuosité toute digitale, il n’y a pas grand chose)
  • Hansjörg Schellenberger chez Campanella en 2013 et Thomas Indermühle chez Camerata en 2015 clairement tout deux en manque d’inspiration et sur une pente déclinant…

Pour écouter Schellenberger

Pour écouter Indermühle

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