Danse des ombres heureuses

« Danse des ombres heureuses » de Gluck, version pour hautbois et piano


orphée et eurydice eduard kasparides 1896

Orphée et Eurydice / Eduard Kasparides 1896

Orphée et Eurydice

Deux Août 1774. Théâtre du Palais Royal.

Christoph Willibald Gluck donne la 1ère représentation à Paris de son opéra Orphée et Eurydice, sans doute son plus grand chef d’oeuvre.

Christoph Willibald Gluck

Christoph Willibald Gluck / J.S Duplessis 1775

Son opéra a été écrit douze ans plus tôt à Vienne, en 1772. Pour mieux satisfaire le goût français et celui de la reine Marie-Antoinette, Gluck procède à des modifications. La plus importante est la langue. Le livret italien de Calzabigi est entièrement revu en français par Pierre-Louis Moline.

page de présentation Orphée et Eurydice

Page de présentation « Orphée et Eurydice », 1774

Le compositeur change également la voix d’Orphée : Un ténor sera dorénavant bien plus adapté qu’un castrat…

Cette oeuvre est révolutionnaire et déclenchera une nouvelle querelle après celle dite « des Bouffons » (qui opposait Rameau et Rousseau) restée célèbre dans l’histoire de la musique. Ici s’affronteront les partisans de l’opéra français, les « Gluckistes » et ceux de l’opéra italien, les « Piccinistes ».

Gluck voulait offrir une musique en osmose avec le théâtre. Il voulait un chant plus simple pour mieux mettre en évidence la poésie du texte et rendre les sentiments exprimés plus naturels, sans les artifices de la virtuosité.

Ballet des Ombres Heureuses

Comme son nom l’indique, ce passage est un ballet. Un ballet-pantomime pour être plus précis. Même si les interprètes ne chantent plus, l’action continue par le truchement de la danse et des attitudes. Le geste supplée la parole.

Il se situe au début du 2ème Acte.

Orphée se lamente de la mort de sa bien-aimée et Amour lui donne le moyen d’aller la retrouver et de la ramener dans le monde des vivants. Il lui faudra convaincre l’Enfer.

Par son chant il parvient à calmer la fureur des Démons et de Cerbère qui s’écartent et le laissent entrer. Aux Champs Elysées, où se reposent les âmes vertueuses, la nature est étrangement calme. Il y règne une certaine sérénité. De la douceur même. Orphée aperçoit Eurydice, contemplative parmi les Ombres Heureuses et lui fait détourner son regard…

orphée ramenant eurydice JB Corot

Orphée ramenant Eurydice / J.B Corot 1861

La musique consiste en l’alternance d’un tendre menuet en Fa Majeur et d’un Air poignant en Ré Mineur où la flûte exprime tour à tour douleur et réconfort.

Les silences s’imbriquent dans la mélodie tandis que les cordes de l’orchestre soutiennent l’ensemble par un tissu d’arpèges contenus sur une basse tantôt pizzicato tantôt arco…Du moins dans la version arrangée et étendue par Felix Mottl réalisée en 1870 pour une Suite de Ballets publiée chez C.F Peters. 😉

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Des arrangements

Face à cette musique très expressive et d’une touchante beauté, de nombreux solistes ont décidé de l’utiliser en dehors de tout contexte opératique : des flûtistes naturellement, des violonistes, des violoncellistes… et même des hautboïstes ! C’est d’ailleurs grâce à l’enregistrement de François Leleux que j’ai découvert ce passage car bien qu’ayant étudié et chanté des extraits d’Orphée et Eurydice au Lycée Fénelon, je ne connaissais pas le Ballet des Ombres.

le charme du hautbois.jpg

En 1844, Hector Berlioz qui admirait l’oeuvre de Gluck disait dans son Traité d’Orchestration :

« En écoutant l’air pantomime en ré mineur qu’il a placé dans la Scène des Champs-Élysées d’Orphée, on voit tout de suite qu’une flûte devait seule en faire entendre le chant. Un hautbois eût été trop enfantin et sa voix n’eût pas semblé assez pure ; une clarinette eût mieux convenu sans doute, mais certains sons eussent été trop forts… »

Je pense et ose espérer qu’avec l’évolution de la facture instrumentale, des anches et du jeu, Berlioz se tromperait aujourd’hui et réviserait son jugement sévère sur le hautbois.

Un écho personnel

Il est des oeuvres qui vous touchent plus que d’autres sans trop savoir expliquer pourquoi. C’est ainsi.

En cet été 2018, j’ai appris que mon beau-frère n’en n’avait plus que pour quelques jours à vivre alors qu’il était encore jeune. Cancer foudroyant. Les mots ne viennent pas toujours en pareil circonstance. Les larmes peut-être pas immédiatement non plus.

En moi, c’est cette musique qui résonnait et trouvait un écho particulier. J’ai ressenti le besoin de la jouer et de l’enregistrer le mieux possible.

Je ne cacherai pas la tentation naïve que de vouloir égaler Leleux. En fait, pour dire vrai et sans me départir d’une touche d’humour ou de provocation, j’aimerais autant être meilleur que lui ! Quelques orteils puis le reste des pieds touchent terre : soyons réalistes.

J’ai préféré jouer au piano et réaliser une réduction à vue de l’orchestre à cordes en suivant le conducteur. La texture de Gluck est plus légère mais j’ai préféré donner plus de poids aux basses. Volontairement. Du rubato ici et là me semblait utile. Cela peut paraître excessif. Mais pour le hautbois cela me compliquait la tâche de jouer sur mon propre enregistrement pianistique. Ce n’est pas aussi simple de jouer avec son ombre que de jouer avec quelqu’un ! Même si ce n’est pas la 1ère fois, loin de là !

Nonobstant que la perfection n’est pas encore atteinte cette fois-ci, j’espère de tout coeur que vous trouverez néanmoins quelques qualités à ma ma version !


 

Je remercie Emily Balivet de m’avoir autorisée à utiliser son oeuvre qui m’a plue pour son modernisme et son inspiration dans l’Art Nouveau revisité…

orphée et Eurydice Emily Balivet

Orphée et Eurydice / Emily Balivet 2012

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