Gran Partita KV 361 de Mozart, hautbois, histoire
Le titre est sérieux pour une fois. Je le regrette déjà, moi qui voyais déjà tout en haut de l’affiche « Mon divertissement du samedi soir » pour une oeuvre relevant du Divertimento et de la Sérénade. Mais l’esprit riche de sous-entendus chez certains auraient trouvé dans cet article une amère déception.
Schellenberger, Wittmann et moi
Ma seule gymnastique, hier, samedi soir fût celle de mes doigts sur le hautbois ! Depuis quelques jours je travaille avec deux merveilleux hautboïstes ayant formé à mes yeux (et à mes oreilles !) le meilleur binôme du Philharmonique de Berlin : Hansjörg Schellenberger et Andreas Wittmann !
Cela faisait longtemps que je n’avais pas joué avec eux… 🤔
Que voulez-vous ? C’est ça la magie d’un disque ! 😁 On peut l’adorer, le délaisser, l’ignorer et feindre de le redécouvrir.
Comme dit la publicité pour Schweppes : « What did you expect? »
Vous pensiez qu’ils se trouvaient vraiment avec moi ? Remarquez que je n’aurais pas demandé mieux… Ils ont si bien joué ensembles ! Une vraie complémentarité, du moins musicale. Des sonorités, un jeu et un équilibre à l’unisson… sans jeu de mots ! Et sur de nombreux disques : un quelque chose qui tient de la perfection à mes yeux.
Je vais parler comme un vieux que je ne suis pas encore mais j’aime bien râler il est vrai : « C’était mieux avant ». Appelons-ça de la nostalgie. Celle de mon adolescence ou Karajan dirigeait même agonisant.
Hier j’ai simplement joué en même temps que le disque. Oh je sais… certains dirons : ce n’est pas bien, tout ça, tout ça… Mais suis-je le seul à le faire ?
Si ? Ah… D’accord. Alors je suis un drôle d’oiseau… exilé sur le sol au milieu des huées (Oui, oui, c’est bien du Baudelaire… 😅 )
Pendant un instant je rêve être parmi le pupitre de toute cette kyrielle de musiciens géniaux : Schellen et Wittmann que j’ai déjà cité mais aussi Gerd Seifert au cor et surtout Karl Leister à la clarinette !
Je vous épargne mon jeu avec eux… Voici plus modestement un aperçu de ma prestation d’hier soir, seul, enregistrée à la volée sur mon iPhone.
« Dis Siri : peux-tu demander à Tim Cook de me rétribuer pour le placement de ses produits dans mon blog ? »
(Les encouragements sont les bienvenus, les conseils appréciés, les critiques redoutées mais acceptées 😁)
Il est certain que les interprètes du disque sont bien meilleurs que moi. Je vous laisse juger. Quelle harmonie ! Quelle fusion des timbres !
Une harmonie dans tous les sens du terme
En juillet 1782 l’Empereur Joseph II officialisait un ensemble d’harmonie impérial avec 8 instrumentistes à vent se produisant à la cour comme en public. Il était dans l’air du temps. Le public friand d’octuors à vent n’était pas de la même couche sociale que celle fréquentant l’opéra. C’était là une occasion rêvée pour les compositeurs de partager pourtant ce répertoire à coup de transcriptions lucratives !
Mozart disait lui même « Mon opéra doit être arrangé pour harmonie, sinon un autre me devancera et en tirera avantage à ma place. »
Pourtant il n’a transcrit que son Enlèvement au Sérail et ne s’est adonné qu’à deux sérénades pour vents : Kv 375 en Mi bémol majeur et Kv 388 en Ut mineur. Pendant que Jan Vent (ou Wendt) et son gendre Josef Triebensee ou encore Myslevecėck et Franz Krommer s’en donnaient à coeur joie !
L’extrait que j’ai enregistré et l’oeuvre que j’ai plaisir à jouer et écouter en ce moment est une sérénade assez particulière : la sérénade « Gran Partita » en Si bémol majeur Kv 361. Nous ne connaissons ni sa destination ni sa date précise de création. Avec les cors de basset, Alfred Einstein pense qu’elle date de 1781 en raison de la présence des frères Stadler. Sur la partition la date en haut à droite a été grattée et corrigée : elle indique 1780. Ce n’est pas la main de Mozart. Ni le titre « Gran Partita » d’ailleurs. C’est flagrant.
D’autres musicologues comme Georges de Saint-Foix pensent que l’oeuvre ne comportait que 4 mouvements et que d’autres mouvements comme la Romance ou le Thème et Variations ont ensuite été ajoutés vers 1787 ou 1788.
Chose amusante, Mozart avait commencé un catalogue thématique de ses oeuvres vers 1784, et l’oeuvre n’apparaît nulle part ! Pas même dans sa riche correspondance avec son père… Etrange, non ?
Si vous regardez le manuscrit vous constaterez qu’il est écrit – il me semble – d’un seul trait. Je ne suis pas un spécialiste mais je connais l’intégrale de Columbo ! La calligraphie, le papier, l’encre… Tout à l’air normal. C’est un tout cohérent.
Mais plus encore, la musique est cohérente de la première à la dernière note ! Un génie comme Mozart ne risquerait-il pas de dévier de sa route ne serait-ce que d’un degré en reprenant une oeuvre des années après ? Lui qui a quand même laissé sur le côté de nombreuses oeuvres fragmentaires, incomplètes… ?
Cette sérénade va au delà de l’octuor pour 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 cors et 2 bassons. Elle rassemble en effet 13 instruments en ajoutant encore 2 cors mais surtout 2 cors de basset (famille des clarinettes) et une contrebasse. (Cherchez l’intrus… 😂)

Cor de Basset / Musée instrumental à Paris
Avec ses 7 mouvements elle dure près de 50 minutes. Et l’ensemble comme j’ai déjà pu le dire forme vraiment un tout cohérent. Si le contexte de sa création ne nous est pas connu il n’est pas difficile de se rendre compte de la beauté et de la richesse de cette oeuvre. C’est un véritable catalogue d’un savoir faire à la Mozart ! On dépasse le cadre de la musique de chambre avec une oeuvre qui à un souffle symphonique et opératique par moments. La musique est solennelle, dansante, introspective, délicate, espiègle, débonnaire. Un véritable kaléidoscope ! Et d’un point de vue formel, Mozart s’amuse aussi bien avec la forme sonate de son ouverture (le 1er mouvement) qu’avec l’alternance classique d’un Menuet-Trios (2ème et 4ème mouvements) tout en employant une romance qui s’étire librement sur une forme Lied (5ème mouvement) avant de céder la place à une démonstration de variations qui n’ont rien de scolaires et un rondo pour le final enjoué.
Un morceau imaginaire dans Amadeus de Milos Forman ?
Je vous laisse et vous invite à redécouvrir cette oeuvre Mozartienne. De mon côté je ne peux que m’amuser de l’époque, à mes 13 ans, où je cherchais désespérément le morceau que l’on entend dans le film Amadeus de Milos Forman quand Salieri découvre la dichotomie entre la personnalité d’un Mozart trivial et exubérant et sa musique empreinte de plénitude.
«Sur le papier ça n’avait l’air de rien. Le début était simple, presque comique. Une pulsation, Bassons, cors de basset, et ensuite, soudain, haut perché, un hautbois. Une seule note flottant comme suspendue, jusqu’à ce que la clarinette vienne la reprendre, et l’adoucir en une phrase de pur délice. Ah! Ce n’était certes pas un singe savant qui avait pu composer cela. C’était une musique exceptionnelle, empreinte d’une telle tension, d’un tel inépuisable désir. Il me semblait entendre la voix de Dieu»
Je pouvais chercher longtemps… C’est un montage entre le 3ème mouvement et le final de cette Gran Partita ! 😶 😁

C’est bien une copie du 3ème mouvement de la Sérénade ! Ce film est génial !
un peu de lecture sur Mozart ?