Faire une anche de hautbois, prix du roseau, rentabilité
Pour tout vous dire j’achète du roseau que j’apprécie en assez grande quantité. J’avoue que je n’en ai plus autant besoin que lorsque j’étais étudiant en conservatoire et que je cumulais orchestres, harmonies et groupes… Mais bon ! C’est une habitude que j’ai prise.
J’en stocke une bonne partie et en utilise l’autre. Je sais ainsi ce que j’ai en qualité et j’ai de quoi jouer en cas de problèmes. Je fais la même chose avec un autre fournisseur. Cela me permet de savoir ce que je joue comme matériel, de l’éprouver dans le temps et d’avoir ainsi une vision à long terme.
Parfois je commande quelques maigres quantités, quelques centaines de grammes de roseaux en canons d’un fournisseur que je ne connais pas encore ou une récolte précise à des revendeurs. C’est plus cher mais eux me permettent d’acheter un simple lot et de pouvoir ainsi le tester. Ce sont souvent mes roseaux du quotidien avec lesquels je me fais une idée, chez moi. Cela préserve d’autant mes « réserves stratégiques ».
J’ai ainsi des roseaux datant de 1999, de 2002, 2006, 2009 et d’autres plus récents…Alors que nous sommes tout de même en 2017 !
Je les considère un peu comme des bouteilles de vin. On peut s’amuser à penser qu’en prenant de l’âge ils deviennent meilleurs ! Mais tout comme le vin il arrive aussi qu’avec l’âge la qualité décroit…
Toujours est-il qu’il va me falloir me réapprovisionner avec cette optique de « long terme » et vu le prix que cela coûte j’ai songé vous présenter cet or jaune mais fibreux !
ROSEAU POUR HAUTBOIS = OR = €€€€ =
Quand on achète des anches on a souvent l’envie de s’étouffer en voyant le prix. Il est fréquent de trouver des prix dans le commerce à plus de 20€ et nous sommes pas certains qu’elle nous convienne.
Avec un peu d’expérience on finit par entreprendre de faire soi même ses anches et il nous faut alors acheter des roseaux prêts à l’emploi. On les appelles roseaux gougés-taillés et pliés. Ils coutent plus d’une vingtaine d’euros à la dizaine. Cela semble plus rentable, c’est évident, même si nous sommes pas certains que ces roseaux nous conviennent ni de réussir parfaitement les anches !
Alors on se dit que peut-être il faudrait envisager le processus de A à Z. Pour mieux contrôler les variables mais aussi faire des économies. 🤓
Avec le recul je vous dirais que j’ai beaucoup de doutes à ce sujet ! Il faut les machines, les lames, plein d’accessoires : c’est un investissement. Il faut aussi beaucoup de cheveux sur la tête pour pouvoir se les tirer avec patience ! Développer ce savoir-faire ne se fait pas malheureusement sans prises de tête… 🤕
Et si par passion…ou par folie vous entreprenez cette expérience, il vous faut du roseau en canons ou en tubes si vous préférez.
Entre 140 et 150€ le kilo au minimum et fréquemment au dessus de 170€ quand ce n’est pas plus de 200€ comme pour du Ghys ce que je trouve franchement hallucinant et abusif !!! 😡
Mon but ici n’est pas de vous décourager mais de vous montrer une certaine réalité. Alors commençons :
Voici un tube, un canon comme j’en reçois des tonnes dans un carton d’un kilo 🤡
vous comprenez immédiatement que ce roseau est problématique : Il est trop long en considérant la longueur d’une languette et trop court en considérant la longueur de 2 languettes. Sous un autre angle vous constatez comme très souvent le roseau ne pousse pas droit dans la Nature et c’est bien dommage. Vouloir utiliser une partie très irrégulière n’amène souvent pas de bons résultats à a fin.
BIM !!! Il faut le scier et du coup voilà 1/3 de perdu ! Dès maintenant la poubelle va devenir une obsession.
Le tube est sectionné en 3 parties avec ce que l’on appelle une Flèche. Idéalement ces 3 sections sont utilisables… j’ai dit « idéalement » car dans la réalité c’est différent. Passons !
Ces trois sections sont dégrossies, elles sont prégougées afin de préserver la lame de la gougeuse. Une lame est fragile, coûte cher et son affutage problématique va vous amener soit à une prise de tête (souvenez-vous : les cheveux…) soit à une dépense pour que le constructeur vous l’aiguise ! On préserve donc la gougeuse.
Pas de chance ! Une section n’a pas survécue à la prégougeuse. Certains se consolent en se disant que cela n’aurait pas été un bon roseau. Pour moi c’est surtout la méthode Coué. En attendant, c’est de la perte.
La gougeuse entre en action. Quelques copeaux beaucoup plus fins sous formes de petits rouleaux viennent s’amonceler. La série noire continue. Une languette sur les 2 restantes est hors dimensions. Une seule sur les 3 pourra donc être utilisée.
Il me reste encore à la tailler et à la plier :
Dans un monde parfait les tubes, les canons de roseaux auraient la bonne longueur, le bon diamètre et pousseraient de manière rectiligne. Dans un monde parfait un canon donnerait 3 languettes de roseau. Nous ne vivons pas dans un monde parfait et c’est bien le problème. 😩
Les parois d’un tube sont souvent le triple d’un roseau gougé, approximativement. Le tube employé ici faisait exactement 1,65 mm et mon roseau gougé à 0,58 mm est donc 2,84 fois plus petit, presque 3 fois plus petit.
Si dans l’idéal un tube produit 3 sections 3 fois plus petites que l’épaisseur du tube lui même cela veut dire que seulement 3/9ème ou 1/3 de la matière est mis à profit = 33%
On peut regarder le verre à moitié plein ou à moitié vide. Ici ce que je voit c’est la perte de 67%… Et ça c’est le chiffre dans l’idéal.
Dans mon cas aujourd’hui elle est même plus grande. Rappelez-vous ! Le tube initial à perdu 1/3 de sa longueur. Cela fait déjà 33% de perte. Et au final je n’ai obtenu qu’une seule languette de roseau viable (qui n’est pas la promesse d’une anche réussie…) soit 1/9ème de ce qu’il restait. Mon taux de réussite final avec ce tube ? 7,4% !
La perte de cet essai ? 92,6%
Evidemment sur ce coup là je n’ai vraiment pas eu de chance mais cela ne change rien à ce que vous perdrez toujours au minimum : 2/3 de pertes soit 66% pour la poubelle !
Je vous laisse songer à ce que cela représente maintenant en euros. A 150€ le kilo par exemple vous allez jeter à la poubelle 99€. Félicitations ! C’est de l’ironie…
Si 1/3 du kilo produit des roseaux viables (et ce ne sera franchement jamais le cas) alors nous venons de payer 150€ pour ces quelques roseaux qui valent finalement 3 fois plus. Vous comprenez dès lors pourquoi c’est si cher dans le commerce et pourquoi au final je me demande s’il ne vaut pas mieux économiser sa peine.
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