Quatuor de Mozart KV 370 pour hautbois, histoire, analyse, enregistrement, disque, partition
Elle est bien bonne celle-là ! Allez ! Pas de quoi en faire un fromage, je redeviens tout de suite sérieux.
Aujourd’hui j’aimerais vous parler encore du Quatuor Kv 370 et plus particulièrement du second mouvement que je trouve assez intéressant.
1) Un petit air déclamé d’opéra
Assez dramatique, il débute un peu comme une Aria d’opéra avec les cordes puis le hautbois fait son entrée : il tient « La » note, lui donne vie avec une missa di voce, comme une soprano. Plus tard, la tension monte avec un chromatisme dans l’aigu qui se relâche soudainement dans un registre soudainement plus grave. Wolfgang aime bien ce petit tic d’écriture où il brise une ligne conjointe en répartissant les notes dans des registres extrêmes… Le hautbois se fait aussi plus capricieux, plus rubato quand les cordes lui cèdent la parole sur un silence expressif.
La partition manuscrite -elle même- ne manque pas d’intérêt. Si les ratures, les traits vifs et saillants, les jets d’idées pas toujours canalisés sont plus fréquents sous la plume de Beethoven, il arrive tout de même à Mozart de faire des erreurs.

une partition de Beethoven…

Extrait du second mouvement du Quatuor Kv 370
Avec le Fac Simile dans son édition révisée et commentée de la partition Michel Giboureau [Editions Fuzeau] a relevé de nombreuses inexactitudes : sur des liaisons, des points de détaché, sur des articulations pas toujours harmonisées entre les instruments, quelques fautes de notes et d’altérations mais rien de bien méchant.
Le second mouvement de notre quatuor livre pourtant des corrections que Mozart a souhaité apporter un peu comme les repentirs d’un peintre. Cela concerne la structure. Mozart a souhaité ajouter une extension mais pour économiser le papier il s’est débrouillé avec des mesures additionnelles mais aussi l’indication « Vide » (découpée en 2 syllabes sur la partition soit Vi….De) qui indique qu’il ne faut plus lire de manière linéaire la partition : il faut occulter ce passage momentanément et le réinsérer ensuite au moyen des discrets signes de coda ⊕.
Ce qui m’a le plus plu est que bien évidement la partie additionnelle est digne d’intérêt. Un petit motif répété module sur Sol mineur, la tonique se transforme en sous dominante de Ré mineur avec un chromatisme qui nous amène au 1er degré sous la forme d’une Sixte & Quarte sur laquelle le soliste faite une courte cadence.
2) La fin originale que Mozart avait prévue
Mais en étant attentif au manuscrit j’ai compris que sans ces ajouts la partition pouvait être déjà finie. Elle était achevée. Je me suis donc amusé à vous découper la partition pour vous donner l’aperçu de ce qu’était la première idée de Mozart, la version originale qui déjà était satisfaisante.
Je vous laisse juger :
Et pour que tout le monde puisse s’en faire une idée plus précise, j’ai travaillé sur un enregistrement que j’ai édité, coupé, réassemblé un peu artisanalement. Cela donne ceci :
3) Il est temps de parler du tempo
Je me permet enfin de fournir une remarque susceptible de vous intéresser et qui concerne le tempo. Mozart a noté Adagio. Je pense que c’est joué lentement trop souvent. Dans son livre « Interpreting Mozart on the piano » (1962) Paul Badura-Skoda nous éclaire sur la conception des tempi de Mozart et de ses contemporains. A Vienne un mouvement Adagio était souvent jouée plus rapidement qu’à Paris… Mozart y voyait surtout un tempo fluide un peu semblable à l’Andante ce qui fonctionne beaucoup plus avec les ornementations au style quasi improvisées du hautbois.
Dans une mesure à 3/4 un tempo assez allant, fluide doit ainsi permettre de faire ressentir le rythme dans la mesure tout entière et de jouer mélodieusement les notes en petites valeur sans accents superflus.
Paul Badura-Skoda traduit et cite également cet extrait issu d’une revue musicale de Leipzig datant du 5 Mai 1813 [Allgemeine Musikalische Zeitung]
Voilà pour aujourd’hui ! Dans un prochain article j’aborderai le sujet de la cadence et vous ferai 2 propositions personnelles. N’hésitez pas à me faire part de vos remarques et de vos encouragements !
Musicalement,
Alain et ses Roseaux Enchantés
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