Prélude au Quatuor Kv 370 de Mozart

Quatuor de Mozart KV 370 pour hautbois, histoire, analyse, enregistrement, disque


Nous sommes en 1777, le 31 octobre . Mozart vient d’arriver à Mannheim et conquérir l’Europe. Tel est du  moins le vœu de son père Léopold qui a planifié un long voyage dans ses moindres détails. Son épouse accompagnera Wolfgang, au caractère impétueux et idéaliste.

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Ce dernier souhaite s’échapper de Salzbourg et de l’Archevêque qu’il déteste. Ce voyage est un enjeu pour lui mais également sa famille. Il doit quitter prendre une nouvelle stature, une nouvelle envergure qui laisserait au placard les images de l’enfant prodige. Si Léopold organise tout c’est qu’il espère que son fils obtiendra un poste stable, bien rémunéré et qui permettrait d’assurer financièrement les beaux jours de la famille : c’est un retour sur investissement qu’il recherche en somme.

A Mannheim Wolfgang pourra peut-être créer et plaire au Prince Electeur Karl Theodor dont l’orchestre est le plus réputé d’Europe à l’époque…

Crée par Anton Stamitz en 1743, l’orchestre de Mannheim sera ensuite dirigé par Christian Cannabich. Parmi les musiciens, un hautboïste talentueux : Friedrich Raam.

Wolfgang loue la beauté de sa sonorité et l’expression de son jeu. Il demandera à Léopold qu’on lui envoie son « Concerto de Ferlendis« , le concerto en Do Majeur (kv314) que Ramm va interpréter 5 fois à Mannheim en 2 semaines et en faire « son cheval de bataille » comme il aime à le dire.

Les deux hommes s’entendent bien. Le talent musical les rapproche. Friedrich Ramm [1744-1808] est entré dans l’orchestre dès 14 ans ! Il jouera aux côtés d’un autre hautboïste célèbre : Ludwig August  Lebrun [1752-1790].

Mais la musique n’est pas leur seul lien… Il passent de nombreuses soirées qui n’en finissent pas à boire et s’amuser avec un autre musicien, flûtiste doué, Johann Baptist Wendling. Après avoir d’ailleurs logé un temps chez Cannabich, Mozart séjournera également chez Wendling. Il s’enflammera pour leurs filles Rose et Elisabeth « Lisbel » Cannabich mais aussi pour Augusta « Güsti » Wendling, toutes musiciennes.

Si Mozart dans ses lettres pour Léopold ne tarit  pas d’éloges sur Ramm, Wendling et Cannabich, il changera d’avis sur eux  après avoir eu un nouveau coup de foudre pour la fille d’un copiste dont il fera également les louanges de sa famille toute entière : Aloysia Weber…

Aloysia Weber

Aloysia Lange, née Weber, par J.B von Lampi

« Wendling est un brave et honnête homme mais malheureusement sans aucune religion ainsi que toute sa maisonnée. […] Ramm est un brave homme mais un libertin. »

Les semaines passent et si Wolgang est heureux et joyeux à Mannheim, le succès n’est pas au rendez-vous. Un autre grand voyage se dessine en janvier 1778 : Paris.

Ramm sera du voyage et Wendling aussi. La famille Weber aussi…au moins dans ses pensées !

Friedrich Ramm deviendra hautboïste au Concert Spirituel. Il aura l’occasion de jouer la Symphonie Concertante Kv297b.

Mais ce long voyage sera là encore un échec relatif. Si Wolfgang rencontre des succès d’estime, aucun poste d’envergure ne se profile. Sa mère décéde à Paris. Après des mois d’absence, une année même,  il doit rentrer. Son père Léopold le presse…Wolfgang prendra son temps…

Mozart est fou amoureux depuis des mois et des mois d’Aloysia dont il voulait faire une cantatrice, une Prima Donna. Il n’a cessé de demander à son père son aide, ses conseils, ses relations. Mais Léopold ne goûte guère cette relation qui pousse son fils à se préoccuper de la famille Weber avant la sienne…

Wolfgang lui a écrit des Airs « taillés sur mesure », fait travailler son interprétation, sa diction et son « Aktion » (son action…c’est à dire le jeu théâtral). L’histoire se révélera ironique avec lui car si dans un premier temps Madame Weber voyait en lui un bon parti pour sa fille elle ne sera plus du même avis quand elle constatera que sa carrière patine quand celle de sa propre fille s’envole !!!

Pauvre Wolfgang ! Son Aloysia ne lui montre guère de reconnaissance et de plus, elle se marie en 1780 ! L’heureux élu ? Oh, vous le connaissez, c’est un acteur veuf assez fortuné qui a accordé une rente annuelle de 700 florins à Madame Weber pour qu’elle consente à leur union. Il est également peintre…et réalisera notamment le portrait inachevé de Mozart jouant du piano : Joseph Lange [1751-1831]

portrait de mozart

Portrait inachevé de Mozart par Lange

Pendant ce temps, Wolfgang loge quand même chez les Weber…où il continue d’apercevoir Aloysia mais aussi ses sœurs, notamment Constance

constance 1783 par Joseph Lange

Portrait de Constance Mozart, née Weber, par Lange, 1783

Il préfère être « libre » de son père.

Une commande arrive pour janvier 1781. Le Prince Electeur qui avait emmené son orchestre de Mannheim à Munich souhaite un opéra. Ce sera « Idoménée, Roi de Crète« . Enfin un succès retentissant ! Chaque soir Wolfgang dirige l’orchestre puis fait la fête. C’est également le carnaval en cette période de l’année.

quatuor signature mozart

Wolfgang a retrouvé Ramm dans l’orchestre et c’est dans cette atmosphère joyeuse et insouciante, où le succès est au rendez-vous et où peut-être Mozart voit naître de nouveaux sentiments amoureux (envers Constance) que se crée l’Oeuvre Ultime pour tout hautboïste, le Saint-Graal de notre répertoire : Le Quatuor en Fa Majeur Kv 370.

Quatuor de Mozart Manuscrit

Explorant toute une palette de sentiments, la joie, la fierté, la grâce, la délicatesse, la peine, le déchirement, l’agilité et l’humour, ce quatuor est un joyau, un bijou de la « Musique de Chambre » où parfois –il est vrai– le hautbois se fait plus volontiers concertant…


J’espère que votre vision de l’œuvre sera quelque peu  différente et que le contexte qui l’a vu naitre vous auras apporté un nouvel éclairage pour l’interpréter. Je vous laisse sur un extrait de ma version préférée. Fumiaki Miyamoto, hautboïste japonais ayant fait une partie de ses études et de sa carrière en Allemagne interprète ici le 1er mouvement avec une sonorité très lumineuse.

Fumiaki Miyamoto

Fumiaki Miyamoto

C’est sans aucun doute l’un de mes disques préférés tout simplement. Peut-être parce qu’il s’agit de l’un des tous premiers CD à la maison que mon père avait acheté 180 francs environ dans les années 80 mais aussi parce que sur ce disque se trouvent réunies des œuvres pour cor, clarinette & hautbois, …les 3 instruments que mes frères et moi avons joués, jeunes,  dans notre toute petite maison qui résonnait de musique et de couacs, à Armentières mais ça…c’est une autre histoire.

Mozart est là…

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