Histoire de la manufacture instrumentale du Hautbois, Brod, Thibouville, Cabart, Couesnon, Lorée
Il y a 7 jours nous remontions le temps. Je propose de nous replonger encore un instant au 19° siècle.
J’avais abordé très légèrement le cas d’une famille originaire d’Allemagne et qui a marqué de son empreinte le hautbois que nous connaissons aujourd’hui : les Triebert.
Depuis Guillaume qui quitta son pays pour venir à Pieds jusque Paris et ses enfants Charles-Louis et Frédéric, tous ont fait évolué cet instrument qui me tient tant à coeur et lui ont fait prendre un véritable tournant.
Si les Triebert avaient su s’entourer d’amis et hautboïstes éminents comme Henri Brod ou Apolon Marie-Rose Barret tous deux célèbres pour leurs Méthodes et Etudes, ils n’en étaient pas moins des interprètes eux aussi de haute volée : Charles-Louis devint professeur du Conservatoire de Paris, quand à Frédéric il fût un temps Second Hautbois à l’orchestre de L’Opéra-Comique !
C’est ce dernier –Frédéric– qui se consacra vraiment à l’entreprise de son père dont il prit la succession vers 1848. De nouveaux modèles de hautbois ou de « Systèmes » ont alors fait leur apparition… même dans des catalogues.
Du système 3 ou l’on a les clés de Do-Do#-Mib à la main droite, au système 4 qui nous donne un Sib grave, au système 5 favorisé par Barret et sa plaque de pouce pour faire lever les pointes sur le corps du haut, jusqu’au système 6 que nous utilisons encore aujourd’hui, le nom Triebert devient indissociable du hautbois !

Hautbois système 5 « Barret » avec sa plaque de pouce
Mais en 1878 Frédéric Triebert décède à son tour et son entreprise renommée pour la qualité de ses hautbois sans égale vacille de mains en mains.
Dirigée pendant quelques semaines par Madame Dehais puis par un clétier, Felix Paris, l’entreprise finit par faire faillite. Nous sommes en 1881.
Parallèlement à tout ceci, Pierre Gautrot fabrique des instruments. Depuis 1845 de manière artisanale puis industrielle en 1855. Il installe une usine à côté de Chateau-Thierry. un certain Jean-Baptiste Couesnon vient travailler chez lui et 10 ans plus tard et avec l’aide de son frère qui est banquier, ils arrivent tous deux à persuader Gautrot de laisser Jean-Baptiste diriger l’entreprise. Nous sommes alors en 1865.
Leur entreprise sera florissante. Aussi quand l’occasion se présente, en 1881, ils achètent l’entreprise Triebert parmi d’autres.
Amédée Couesnon, le fils de Félix Couesnon [le banquier] s’était marié avec la fille de Pierre Gautrot et c’est lui qui hérite de l’entreprise en 1882. Elle s’appellera maintenant « Couesnon et Compagnie« .
Le nom de Triebert leur servira un peu comme un emblème pour la production de hautbois, notamment la série « Monopole » qui était garantie 10 ans [ je rêve ! 😳😃].
Après 1900, la Marque Couesnon est un peu le « Buffet Crampon » de l’époque. Un géant qui emploie 1000 ouvriers répartis sur 6 sites pour fabriquer de tout : des pianos, des cordes, des cuivres, des bois, des accordéons et même des phonographes ! Amédée Couesnon fait même de la politique et part à la conquête des Etats-Unis en se liant avec Conn, un autre très grand industriel de la musique mais américain. Puis le Krack boursier de 1929 viendra mettre un terme à cette « Success Story« . La compagnie vivotera tant bien que mal jusqu’à ce qu’un incendie criminel porte un coup fatal en 1979 faisant disparaître les archives. C’est une ouvrière qui avait été licenciée, Madame Planson, qui après avoir racheté quelques machines relança un peu l’entreprise de ses cendres mais en se tournant plus vers les accessoires. Son entreprise existe encore aujourd’hui et c’est grâce à son site internet que je relate nombre de détails : PGM-Couesnon
http://instruments-musique.pgm-couesnon.fr/accueil.php?lang=fr&numcat=0
Mais revenons un peu à la marque authentique Triebert qui avait le privilège d’être le fournisseur officiel et exclusif du Conservatoire de Paris (…en même temps…Charles-Louis Triebert en était le professeur…alors il ne faut pas s’étonner !)
Même si l’entreprise fût rachetée par l’alliance de Gautrot et de Couesnon, l’héritage, l’esprit de la famille Triebert était peut-être ailleurs que dans leurs mains…
En effet, depuis de très nombreuses années, travaillait en son sein quelqu’un de talentueux. Une personne qui en devint même le chef d’atelier. Une personne qui préféra tracer sa propre route en 1881, suite à la faillite de Triebert et qui par la qualité de sa production s’attira la sympathie et le respect de Georges Gillet et qui se verra ouvrir –lui aussi– les portes du Conservatoire, gage de sérieux et de qualité pour tous les autres acheteurs.
Son nom ?
…François Lorée
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