Essai Hautbois Mönnig Albrecht Mayer AM 155
Et un jour…et bien je ne sais plus trop ! Etait-ce un mail, un courrier ou un appel téléphonique ?
Quoiqu’il en soit c’est un jour de février 2014 que je découvre qu’une exhibition des instruments Mönnig sera organisée par Dimiter Jordanov du Roseau Chantant, à Paris au mois de Mars. Etant client je suis invité et très heureux de répondre à cette invitation.
Depuis quelques années déjà je suis curieux de cette marque dont l’un des modèles (le modèle AM) a été mis au point par Ludwig Frank -qui signe des hautbois de son propre nom- et avec la collaboration d’Albrecht Mayer dont j’aime les interprétations.
Or ici c’est une vraie chance que de pouvoir les essayer aussi près de chez moi. Il faut avouer que Lille-Paris, ce n’est pas compliqué de venir ! Quelle chance, vraiment ! Car je ne me voyais pas aller à Markneukirchen …à l’extrémité de l’Allemagne et proche de la frontière tchèque ! Même si l’endroit est très beau par ailleurs…

Mönnig à Markneukirchen
Le jour tant attendu arrive enfin. Je me rends avec ma compagne qui partage (subit ?) ma passion à « La Maison du Limousin ». A l’étage de ce magasin un bel espace s’offre à nous. Café et jus de fruit nous attendent ainsi qu’une ribambelle de hautbois, hautbois d’amour, cors anglais mais aussi bassons et contrebassons !
Certains attirent de suite mon œil : Un Ludwig Frank en hautbois en violette [Veilchenholz] et clés dorées ou un Mönnig en érable très clair et extrêmement léger, une vraie plume ! Attention à ne pas l’envoyer en l’air !
Dimiter me présente brièvement la gamme et me propose d’essayer. Et aussitôt je me mets à jouer un hautbois AM 155 et suis agréablement surpris de ce 1er contact, mes impressions sont bonnes… Plus que bonnes !Ma compagne elle-même ne me reconnait pas jouer ! Le son, l’aisance, c’est un autre monde ! Je m’étonne moi-même de changer à ce point ! Et le résultat n’est pas pour me déplaire : j’ai en effet envie de nouveauté, d’un réel changement.
Un peu plus d’une heure après, je suis sous le charme, conquis dans une certaine mesure. Nous échangeons avec Dimiter puis il est pour moi temps de rentrer.
Je vais rester pendant un an à réfléchir, à penser à cette séance d’essayage, à me souvenir de ce hautbois…Ou plus précisément des sensations qu’il m’a données. Un an à peser le pour et le contre d’un changement tout en restant à l’écoute de mon instrument.
Avec une envie certaine de rejouer ce hautbois Mönnig, j’ai patiemment attendu que Dimiter fasse une nouvelle exhibition, un an après, en 2015 à la même époque à peu près. Avant de m’y rendre je me disais que si je retrouvais ces mêmes sensations que j’avais gardées en mémoire et peut-être idéalisées avec le temps ce serait véritablement un signe : le signe du changement.
Ce fût le cas mais certes pas aussi radicalement que la première fois !
Quelle ne fût pourtant pas ma surprise en jouant, en essayant, en testant de manière plus approfondie un deuxième, un troisième…puis un quatrième hautbois ! Une véritable claque dans le bon sens du terme ! Ils sont tous excellents ! Et je suis bien en peine de choisir lequel est le meilleur ! Je les reprends plusieurs fois tour à tour, je les compare deux par deux. Je suis surpris de leur homogénéité et je fais part de mes remarques. Et là, Dimiter m’apprend qu’il s’agit d’une sélection de hautbois réalisée par Mayer lui-même ! Je comprends mieux les choses.
Les bois sont épatants, ils ont vieilli pendant plusieurs dizaines d’années. On m’explique que des stocks incroyables avaient jadis été entrepris et comme la Société Mönnig avait ensuite décliné, un peu tombée dans l’oubli, tous ces bois sont restés là…Eux aussi à patienter en quelque sorte qu’on les tire un jour de leur sommeil !
Un employé aurait répondu à Ludwig Frank lui demandant s’il savait depuis combien de temps tous ces carrelets étaient là : « Je ne sais pas. Depuis le temps que je travaille ici je les ai toujours connus. »
Quelle veine !
Je reste épaté. Ce que je ne vous ai pas avoué c’est qu’aucun hautbois en ébène de quelque marque que ce soit ne m’a un jour attiré, appelé. Et c’est pourtant ici le cas ! Un instrument étonnement léger car il paraît costaud, surtout avec ses bourrelets un peu « baroques » du pavillon ou la tête un peu massive qui englobe la piperelle. Un instrument avec de l’aisance, beaucoup de souplesse, une meilleure projection que le violette (forcément…) sans pour autant avoir une sonorité tranchante ou claquante. Un son qui sait être doux, beaucoup plus lumineux quand mon Lorée était sombre…
Pour qui me connait cela peut surprendre mais si je change, autant que ce soit pour quelle chose de réellement différent, non ? J’ai cherché la rondeur et un son un peu dark pendant des années. J’ai cultivé le son pour le son. Oui je sais ! Certains grands hautboïstes disent qu’il ne faut pas le faire ! Mais bon ! C’est du hautbois, non ? Si on devait briller par une technique transcendante j’aurais fait de la flûte ou de la clarinette ! Et quand on voit les traits dans les partitions d’orchestre, pour les compositeurs aussi le hautbois : c’est le son !
Là, c’est vrai que je n’attends plus grand-chose professionnellement. On ne m’attend pas non plus d’ailleurs. Alors un instrument qui me change la vie et d’horizon, un instrument qui me facilite les choses et me permet de m’exprimer plus librement, plus…musicalement : je dis oui !
Une autre claque fût d’essayer le hautbois d’amour. Je n’étais pas venu pour ça mais…
Quel bonheur !!! Avant c’était un sacerdoce de passionné mais là ! Un son rond, facile, léger, beaucoup moins boisé que le Lorée mais quelle émission ! Une mise en vibration immédiate. Et surtout ! Et surtout : une justesse ! J’ai l’impression de jouer juste pour la 1ère fois de ma vie sur un hautbois d’amour sans faire d’effort particulier pour corriger telle ou telle note ! Un Mi trop bas par ici, un Fa# trop haut par là… Zut ! On met son anche, on joue et c’est tout !
Pour les rares fois où l’on prend le hautbois d’amour dans l’année, c’est quand même mieux si on peut faire plus vite de la musique que de se battre avec le binôme infernal anche-hautbois !
Au final c’est avec un hautbois et un hautbois d’amour que je suis reparti sous le bras. Dimiter avait eu la gentillesse de me les prêter pour quinze jours et ainsi me permettre de pousser plus loin mes « investigations », mes comparaisons en tout genre…dans un terrain qui m’est connu : mon chez moi !
C’est avec joie que je suis allé le voir sur Lyon pour finaliser l’achat…des deux instruments.
Je mentirais si dans les premiers mois je n’avais pas eu des doutes ou la peur qu’un regret éventuel vienne à montrer le bout de son nez mais après un an et quelques mois je suis heureux de changement. Heureux également d’avoir découvert plus personnellement et amicalement Dimiter et son épouse Daniella qui ont été d’une grande gentillesse et m’ont rendu la chose possible.
http://www.le-roseau.ca/index_fr.php
http://www.moennig-adler.de/en/instruments/oboe/oboes/gebr_moennig/