Mon Histoire avec les Hautbois Lorée

Hautbois, hautbois d’amour et cor anglais Lorée


Je me souviens encore… la première fois que j’ai passé la porte de chez Lorée, c’était en 1994. A l’époque, l’adresse était rue du Vert Bois, le n°4 je crois, à deux pas de la place République à Paris.

On passait sous un porche un peu sombre puis dans la cour une porte sur la droite…Un escalier aux marches un peu bancales…Du moins dans mon souvenir. L’ascenseur ne m’inspirait pas du tout !!!

Cela ne faisait pas très prestigieux, mais pourtant j’aimais beaucoup cette atmosphère.

Le « magasin » était tout petit, nous n’avions vraiment aucune place, tout de suite bloqué par le comptoir. Mais quelle ambiance ! Les colis qui rentraient, sortaient, les deux à la fois, le va et vient du personnel vers le bureau ou l’atelier, les sons parfois nasillards pour « checker » le biniou1 qui semblaient résonner d’un peu partout. Et puis les vitrines sur la gauche avec des accessoires qu’on ne voyait nulle part mais surtout un superbe hautbois en palissandre qui datait peut-être de 1906.

La 1ère vision de ce hautbois était une véritable révélation pour moi. Non, un hautbois n’était pas forcément en ébène de couleur noire !

Ce que j’aimais le plus c’était le contraste de ce bois clair avec ses veines plus sombres et un peu tortueuses. Une beauté !!!

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Pavillon de mon Second Lorée

Avant que je ne passe la porte de chez Lorée la première fois, je n’avais jamais vu un de leur hautbois. Je jouais Rigoutat pour ma part. C’est une amie2 qui m’avait passé un fascicule que j’ai encore et qui doit bien être collector depuis ! Son professeur –me disait-elle– ne jurait que par la finition des Lorée. A l’intérieur de ce petit dépliant violet je me mettais à rêver et voyais l’indication Option Bois de Violette. Que ce soit le professeur du Conservatoire de Lille ou de Tourcoing que j’interrogeais, personne ne savait de quoi il s’agissait. Au mieux avais-je une remarque navrante du style : « C’est un hautbois fait avec des fleurs ? » Et aucun des deux ne connaissait pas même le nom de Lorée, marque existant pourtant depuis 1881. Pour ma part et bien que déçu de ces réactions je restais intrigué par Lorée et son hautbois… en bois de violette !

Je l’étais d’autant plus que internet n’était pas là et que google n’était pas encore mon ami…

Aussi, après la révélation du hautbois « historique » en palissandre dans la vitrine, je découvrais enfin un hautbois et le mystérieux bois de violette3. C’était une deuxième révélation et j’en tombais amoureux aussitôt.

Peu de temps après j’achetais mon premier Lorée – un modèle Royal, pas comme les autres, évidemment. J’apprenais aussi que Hansjörg Schellenberger, le soliste du Philharmonique de Berlin, en avait fait de même. Copieur, va !!!

Je me souviens qu’une fois rentré chez moi, les premiers jours, je ne cessais d’ouvrir l’étui pour y jeter un regard tant il était beau. C’était magique. Patiemment je l’ai joué, peu à peu, pour qu’il s’acclimate à moi…ou l’inverse, comme vous voulez ! Un véritable rodage ! Il faut dire que j’avais entendu des échos négatifs du bois de violette chez Rigoutat : « C’est fragile, ça fend ». Tout un poème ! Alors que François Kloc, un merveilleux technicien et « finisseur » aux doigts d’or chez Lorée me disait « Si on en prends soin, il n’y a pas vraiment de raison que ça fende plus que l’ébène ! »

Et il avait raison.

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Mon hautbois, bois de violette et clétage aurifié

Dix ans plus tard je décidais de changer de hautbois, sans doute plus par caprice –je l’avoue– que de raison et reprenais encore un Lorée en bois de violette. J’ai toujours été fier de mes instruments et de la touche supplémentaire d’originalité qu’ils ajoutaient à ma personnalité. Personne n’en avait. Leur sonorité était splendide, ronde, très ronde et chaude. Et le mécanisme ultra silencieux . Non, un hautbois ne dois pas faire clac clac clac quand on joue !

L’un comme l’autre n’ont jamais fendu ni le hautbois d’amour ni le cor anglais. J’avais toute la famille ! Les bois étaient stables et le bouchage surprenait même Olivier Chanu qui a succédé peu à peu à Alain De Gourdon à la tête de l’entreprise. Même après des années mes instruments étaient toujours comme neufs !

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Mon hautbois d’amour et mon cor anglais

Un jour, discutant dans la pièce d’essayage à leur nouvelle adresse, rue de Rome, il me confiait pourtant qu’il n’était plus très chaud pour produire de tels instruments, certains clients étant parfois compliqués et …pas assez soigneux et peut-être pas à même de les jouer. Car c’est un autre esprit le bois de violette, avec d’autres sensations et c’est un hautbois qui « vit » un peu plus et peut dérouter. Ma fierté, c’est qu’Olivier me confiait ensuite:  « Pour vous, je vous en ferai toujours les yeux fermés ! »

 

1 Terme affectueux envers un hautbois et une clarinette et tout ce qui est susceptible de faire un couac.

2 Elise, si tu te reconnais…

3 Le Bois de Violette provient surtout d’un arbre exotique que l’on trouve en Amérique du Sud. La couleur du bois tire sur le violet d’où son nom… C’était tout bête. Il est de la même famille que le palissandre et l’ébène qui sont de manière surprenante cousins car en botanique ce sont tous des Dalbergia.

Une réflexion sur “Mon Histoire avec les Hautbois Lorée

  1. Bonjour, je me retrouve completement dans votre commentaire.. Je partage egalement la passion des essences exotique. J’ai fait l acquisition d’un royal en BV en 2003. C’etait un reve! je l’ai revendu a grand regret quelques annees plus tard. J’ai possede egalement un praticola en bois de rose, puis Je suis passe sur un rigoutat symphonique en BV avec octave semi et automatique a la fois. Si bien que Phillipe Rigoutat lui meme, lors d’une revision, a pris des photos du cletage, avouant avoir perdu le savoir faire de cette specificite. je joue desormais sur un monnig AM 150. Je souhaite retourner vers un instrument d’exception. Fossatti en coco bolo? model J en BV?
    amicalement,
    Fabrice

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